Aujourd’hui, elle croupit dans les outlets, soldée, ignorée, oubliée. Pourtant, il n’y a pas si longtemps, la adidas NMD faisait trembler Nike. À Taiwan, des bagarres éclataient dans les centres commerciaux. À Londres, des fans campaient des nuits entières. La Thaïlande ? Un chaos pur.
Une silhouette futuriste, une technologie inédite, un storytelling bien ficelé : la Nomad reste l’une des sneakers les plus influentes de la précédente décennie.
Elle mérite mieux que l’indifférence. Voici son histoire et pourquoi elle devrait revenir sous les projecteurs.
1. Trois transfuges de Nike changent la donne
En 2014, adidas frappe fort. La marque débauche trois designers stars de Nike : Marc Dolce, Denis Dekovic et Mark Miner. Ils claquent la porte de Beaverton. Nike réplique : 10 millions de dollars de procès pour vol de secrets et violation d’accords.Qu’importe. Le trio part à Brooklyn ouvrir un nouveau studio de design. Leur mission ? Faire vaciller le Swoosh. La NMD sera leur première frappe chirurgicale.
2. Kanye West, catalyseur de la hype
En février 2015, Kanye West quitte Nike. La adidas Yeezy Boost 750 débarque pendant le NBA All-Star Weekend. C’est un raz-de-marée. Kanye ne fait pas que dessiner des sneakers : il transforme adidas en usine à désir. Souviens-toi : la adidas Ultra Boost Triple White aux pieds de Ye aux Billboard Music Awards ?Une étincelle. Harrison Davis de Stadium Goods résume : « Il a créé une frénésie streetwear autour de la technologie Boost. » La voie était libre pour la adidas NMD.
3. Du passé vers le futur : la naissance de la NMD
En décembre 2015, la marque au 3 bandes organise un événement secret à New York. A$AP Ferg, G-Eazy, Theophilus London sont là. Ils découvrent une silhouette inconnue : la NMD, pour Nomad. Un mélange rétro-futuriste : semelle Boost, empeigne en Primeknit, références subtiles aux Micropacer, Rising Star, Boston Super. 175 euros au lancement. Nic Galway, designer maison, résume :
« Connecter le passé et le futur de la manière la plus confortable possible. »
Simple. Efficace. Mortel.
4. 2016 : l’année où tout s’enflamme
Plus de 162 coloris de la NMD sortent en 2016. Chaque drop déclenche émeutes et tensions. À Taiwan, des clients envahissent un centre commercial. Chutes, bousculades, piétinements. La adidas NMD R1 OG explose en revente : 1 000 euros pour une paire à 170 balles. Les boutiques imposent des raffles. Seule manière d’éviter le chaos. La firme allemande avait créé un monstre.
5. Pharrell Williams et l’ère Human Race
L’été 2016 voit naître la adidas NMD Human Race, fruit de la collab avec Pharrell Williams. La première paire ? Jaune, “Human Race” brodé sur l’empeigne. Épuisée en secondes. Revente immédiate à 1 500 euros, toujours stable aujourd’hui. Puis viennent les déclinaisons : noir, rouge, bleu, vert, mandarine. Chaque modèle devient un message. Pharrell invente un nouveau langage sneaker.
6. adidas au sommet, Nike dans les cordes
En 2014, adidas pèse moins de 1% du marché secondaire (source : StockX).
En 2015 ? 20 %, grâce aux Ultraboost et NMD. En 2016 ? 50 % du marché.
Les prix flambent, les paires s’arrachent. En 2017, le Trefoil devient n°2 aux États-Unis, devant Jordan Brand. Le Swoosh commence à paniquer.
7. Saturation : la chute programmée
Mais le succès appelle la surproduction. Till Jagla, ex-adidas Originals, confie :
« La pression commerciale explosait. La NMD devait tout résoudre. »
Résultat ? Près de 200 nouveaux modèles en 2017. Des dizaines de GR, des centaines de coloris. La NMD devient une sneaker grand public dispo partout, une réponse marketing. Erreur fatale.
8. Nike contre-attaque
Mi-2017 : le vent tourne. Nike signe Virgil Abloh et Off-White, puis Travis Scott. Les collabs culturelles changent de camp. La machine Swoosh se relance. L’énergie adidas s’effondre. Les NMD ? Bradées dans les outlets. Le cycle de la hype bascule. Game over.
9. La adidas NMD S1 : une renaissance ratée ?
En juin 2021, Pharrell tease la adidas NMD S1 sur Instagram. Post cryptique, vite supprimé. La paire sort le 22 septembre, prix : 180 euros. Nouvelle forme, semelle crantée, inspiration trail. Oddbjorn Stavseng, designer chez la marque aux 3 bandes, explique :« Puiser dans la simplicité de notre passé. » Mais le cœur n’y est plus. Le marché secondaire reste froid. La magie s’est dissipée.
10. Héritage : entre grandeur et décadence
Aujourd’hui ? La majorité des NMD se vend sous leur prix retail. Seules les Human Race gardent un certain prestige. L’âge d’or semble révolu.
Mais Till Jagla reste optimiste : «Un produit si réussi peut toujours revenir. » La NMD reste un cas d’école. Une sneaker qui a bousculé l’industrie, puis chuté en plein vol. Elle rappelle une vérité cruelle : rien ne dure dans le monde impitoyable de la hype. Une leçon que Nike et adidas n’oublient jamais très longtemps.
Photo de la couverture : @frieze43
FAQ : tout savoir sur la adidas NMD
Que signifie NMD ?
NMD vient de « Nomad » (nomade). adidas voulait capturer l’esprit urbain et la liberté de mouvement. Une sneaker pour les explorateurs de la cité.
Pourquoi la Adidas NMD a-t-elle cartonné ?
Cocktail parfait : innovation tech (Primeknit, Boost), design moderne et prix raisonnable. Elle arrivait pile quand adidas montait grâce à Kanye et la Ultra Boost.
Quelle différence entre NMD R1 et S1 ?
La R1 (2015) joue la carte futuriste avec des références années 80. La S1 (2021) adopte un style plus outdoor inspiré du Marathon TR.
Combien valent les NMD aujourd’hui ?
La plupart se vendent sous leur prix de sortie. Exceptions : les Human Race de Pharrell (1500€) et quelques éditions limitées de 2016.
La NMD va-t-elle revenir à la mode ?
Difficile à dire. La mode sneaker fonctionne par cycles. L’effet nostalgie pourrait jouer en sa faveur dans quelques années.
Source : Complex