En 2025, la Air Jordan 1 Shattered Backboard a refait surface dans une version OG, déclenchant un raz-de-marée dans la sphère sneakers. Une réédition fidèle à l’originale de 2015. Ce modèle est devenu culte pour sa palette orange-noir-blanc inspirée du dunk de Michael Jordan à Trieste en 1985. Cette version moderne a réactivé la mémoire collective tout en écrivant un nouveau chapitre. Mais là où certains auraient capitalisé paresseusement sur la nostalgie, Jordan Brand a préféré construire un empire. Pas une suite sans âme, non. Une série d’héritières, chacune puisant dans le même esprit : color blocking impactant et références historiques bien dosées. Et c’est précisément dans cette logique que se déploient ces 14 Air Jordan 1, pas des copies conformes, mais des cousines éloignées, nées d’un même souffle créatif.
Une recette qui marche sans tourner en rond
La Air Jordan 1 Shattered Backboard, ce n’est pas seulement une couleur. C’est une manière de penser la sneaker : équilibre des teintes, textures travaillées, placement chirurgical des panels. À partir de ce canevas, Jordan Brand a initié une mécanique redoutable, presque mathématique : reprendre la base chromatique de la AJ1 Black Toe, noir sur le mudguard et le Swoosh, blanc cassé au milieu, puis injecter une couleur forte dans le talon et la partie avant. Une sorte d’algorithme du succès.
Et les exemples ne manquent pas. La Air Jordan 1 Bred Toe, sortie en 2018, a mis tout le monde d’accord. Pourquoi ? Parce qu’elle réussit le pari rare de combiner deux coloris OG parmi les plus vénérés de 1985 : la Bred ou Banned (une paire faussement interdite par la NBA) et la Black Toe. Dans la même veine, la Court Purple (2018, puis 2020) troque le rouge pour un violet efficace, qui parle aux fans des Ravens de Baltimore.
Des couleurs qui flashent, mais une stratégie qui pense
On aurait pu croire à un recyclage paresseux. Pourtant, à bien y regarder, chaque paire a sa personnalité. Prenez la Air Jordan 1 Pine Green (2018, puis 2020) : un vert forêt dense presque minéral. Moins tape-à-l’œil que ses sœurs, elle a pourtant trouvé son public chez les adeptes du logo Wings. La Taxi Yellow Toe, sortie en 2022, c’est un peu la Jordan 1 qui sent le bitume chauffé à blanc de New York. Son jaune éclatant, collé au talon et sur la toe box, rappelle direct les fameux yellow cabs qui filent entre les gratte-ciels. Sa couleur, c’est un code, un symbole, un hommage à la ville qui a vu grandir la sneaker culture et le hip-hop. Mais cette teinte jaune, posée contre le noir du Swoosh et des lacets, fait aussi écho à un autre monument new-yorkais : le Wu-Tang Clan. Rien d’officiel, évidemment, mais pour quiconque a un jour maté un clip de Method Man ou brandi le “W” avec les doigts, le rappel est clair. Cette paire parle à l’instinct. Elle dit Staten Island, mixtapes grésillantes, hoodie noir et Timberland.
La Air Jordan 1 Green Glow, débarquée en 2024, a surpris son monde. Un vert pastel doux, presque poudré, qui évoque immédiatement le turquoise emblématique de Tiffany & Co.. Ce n’est pas un vert au hasard, c’est un vert chargé de connotations. Un vert qui parle luxe, raffinement, et qui contraste à merveille avec les bases noires et blanches de la paire.
Quand l’héritage flirte avec l’expérimental
Prenez la UNC Patent Leather alias Blue Chill, sortie en 2019, exclusive aux femmes, du moins officiellement. Parce que dans les faits, tout le monde a voulu mettre la main dessus. Et pour cause : la paire combine deux ingrédients qui fonctionnent à merveille. D’abord, ce bleu ciel signature des Tar Heels, l’équipe universitaire de North Carolina où Jordan a explosé. Une couleur pleine de symbolique, douce mais puissante, qui parle autant au fan de basket qu’au passionné de rétro. Ensuite, il y a ce cuir verni, brillant comme une carrosserie fraîchement lustrée. Un pari risqué, qui aurait pu faire bling-bling ou plastique cheap. Mais ici, le résultat est net, propre. Le contraste entre le blanc, le bleu glacé et la brillance donne à la paire une vraie présence. On l’aperçoit à dix mètres. La Bubblegum Atmosphere, sortie en 2021, est peut-être la plus douce de toutes les déclinaisons. Pas douce au sens “fade”, douce au sens veloutée, sucrée, presque gourmande. Son rose pastel, posé avec précision sur l’arrière et la toe box, rappelle la teinte tendre d’un marshmallow ou d’un chewing-gum qu’on aurait mâché sur un banc d’école. Pensée à l’origine pour le public féminin, elle réussit à conjuguer délicatesse et caractère.
Les collaborations, cerises sur le Jumpman
Au sommet de cette cartographie créative, la SoleFly x Air Jordan 1 Art Basel Miami (2018) fait figure d’exception. C’est sans doute l’interprétation la plus libre de la lignée. Elle brise les règles, en écartant l’un des piliers esthétiques de la série : l’absence totale de noir. Ici, point de Swoosh sombre ou de mudguard ténébreux. À la place, un vert et un orange, directement inspirés des couleurs des Miami Hurricanes, équipe universitaire mythique de Floride. Une référence locale qui donne à la paire une résonance presque territoriale. Cette déclinaison, éditée en quantités ultra-limitées à l’occasion de l’événement Art Basel, n’est pas une simple AJ1 aux couleurs tropicales. Elle évoque la chaleur moite de Miami, l’exubérance des galeries, la tension entre art et culture de rue.
Autre ovni dans cette constellation : la Air Jordan 1 All Star Chameleon alias Gotta Shine (2017). Comme un caméléon posé sur l’asphalte, elle capte la lumière et la transforme. Son cuir iridescent oscille entre vert, violet et bleu pétrole selon l’angle et l’éclairage, brouillant les repères, attirant l’œil sans jamais lasser. C’est une sneaker mouvante, presque vivante, qui refuse d’être figée dans une seule teinte.
Une dynastie née de la Black Toe
La vérité, c’est que Jordan Brand a su lire son histoire comme un scénariste de série. En partant d’une structure forte, la Black Toe, la marque a construit une lignée. Pas de simples copies en miroir, mais des variations thématiques, comme un DJ qui samplerait un beat mythique en l’injectant dans des sons nouveaux. C’est cette stratégie qui permet de relancer la machine sans l’épuiser. Ces modèles sont pensés, calibrés, souvent en éditions limitées, parfois en GR (General Release), mais toujours avec un minimum de soin. Les finitions tiennent la route et les matériaux varient (cuir grainé, vernis, suède).
La Shattered Backboard comme matrice vivante
La AJ1 Shattered Backboard ne se résume pas à un match oublié en Italie. C’est le point d’impact. Le moment où le verre a volé en éclats et où, symboliquement, la Jordan 1 a brisé les limites du rétro pour s’imposer comme une toile vivante. Ce panneau explosée en 1985 à Trieste est devenu un acte fondateur dans la culture sneakers. Depuis, chaque paire qui s’en inspire, de près ou de loin, semble vouloir reproduire ce même frisson : celui de la rupture maîtrisée. Et Jordan Brand l’a bien compris. En reprenant la logique graphique de la Black Toe, en variant les colorways avec minutie, en osant des textures inattendues ou des hommages régionaux comme la SoleFly, la marque n’a pas seulement surfé sur le succès d’un coloris culte. Elle a bâti une dynastie mouvante, où chaque modèle prolonge l’éclat initial du panneau brisé. Certaines paires résonnent plus fort que d’autres, c’est vrai. Mais toutes participent à cette même ambition : faire de la Jordan 1 une légende vivante, capable de se réinventer sans renier ses fondations. Une stratégie fine, presque chirurgicale, où l’héritage devient tremplin, jamais prison. Et moi, en tant qu’amoureux de cette culture, je regarde ce jeu d’équilibriste avec respect. Voir une marque éclater les cadres comme Jordan a explosé ce panneau à Trieste, ça a de quoi remettre des étoiles dans les yeux et du sens sous les semelles.
@mr_unloved1s
Les 5 meilleures (je vous laisse choisir l’ordre) :
Air Jordan 1 High Green Glow @cmvairforce
Air Jordan 1 High OG Gotta Shine Cameleon @sneakersofberlin
Air Jordan 1 High Yellow Toe via Pedram
Air Jordan 1 Retro High OG UNC Patent @flosize8
Solefly x Air Jordan 1 Art Basel Miami @pr_sneaks23
Photo de la couverture : @sneakersofberlin