Le 26 août 1985, Michael Jordan fracasse un panneau en plein match promotionnel à Trieste. Trente ans plus tard, Nike s’empare de cet épisode méconnu pour créer la Air Jordan 1 Shattered Backboard, une paire devenue collector. Plongeons dans une histoire enfouie dans les tréfonds du Jumpman, ressuscitée par Nike et sublimée par le design.
Quand un simple dunk devient légende
Une scène presque anecdotique, jusqu’à ce que Nike la raconte. Nous sommes en Italie, à Trieste. Il fait chaud, l’été bat son plein. Michael Jordan vient conclure sa première saison NBA par une tournée européenne organisée par Nike. L’objectif ? Promouvoir la marque, faire découvrir le jeune prodige à l’international et, bien sûr, vendre des paires. MJ enfile ce jour-là le maillot noir et orange de Stefanel Trieste, aux côtés de joueurs locaux. Le match se déroule dans une ambiance détendue. Pas de public déchaîné, pas d’enjeu. Jusqu’à ce que Jordan décolle. Sur une contre-attaque banale, il claque un dunk si violent que le plexiglas du panneau explose. Littéralement. Les éclats pleuvent sur les joueurs comme une pluie de lames transparentes. Une scène aussi brève qu’impressionnante, capturée par une poignée de caméras locales. Et pourtant, cette image puissante va rester dans l’ombre pendant près de trois décennies.
Pourquoi appelle-t-on cette paire “Shattered Backboard” ?
Trente ans plus tard, Jordan Brand décide de ressortir cette histoire oubliée du grand public. Elle n’a rien à voir avec un moment de gloire en NBA, ni avec un trophée. Et c’est justement ça qui la rend intéressante. Le nom est limpide : “Shattered Backboard”, ou “panneau brisé”. Le design rend hommage au maillot porté par MJ ce jour-là : orange, noir et blanc cassé. Le cuir, lui, est particulièrement soigné, grainé, souple, presque luxueux pour une Jordan 1. Mais ce qui fait mouche, c’est la capacité de Nike à transformer une archive dormante en un objet de désir. En quelques mots, quelques images, la marque bâtit un imaginaire. Et le public mord à l’hameçon. L’authenticité perçue, le clin d’œil visuel, l’évocation d’un moment « caché » de la carrière de Jordan : tout est aligné pour déclencher l’envie.
Une stratégie déjà éprouvée : la leçon de la Jordan 1 Banned
Nike ne fait ici que reprendre une recette qu’elle maîtrise depuis longtemps. La Air Jordan 1 Banned ressuscite une vieille polémique des années 80 : celle d’une paire prétendument interdite par la NBA. L’histoire est enjolivée, voire approximative. Mais ça marche.
La Jordan 1 Shattered Backboard suit le même schéma :
- un événement réel, mais méconnu;
- une mise en récit habile, qui valorise le porteur;
- une identité visuelle forte, directement liée à l’anecdote.
Ce n’est pas juste une sneaker, c’est une anecdote que l’on porte aux pieds. Et ça, pour la communauté sneaker, ça change tout.
2015 : la Jordan 1 SBB éclipse (presque) la Chicago
Une hype historique. Le 27 juin 2015, la Shattered Backboard sort en quantités limitées. Pas de collaboration, pas d’influenceur mis en avant, pas de stratégie tapageuse. Et pourtant, c’est l’émeute numérique. La demande explose. Et ironie de l’histoire : cette même année, la Air Jordan 1 Retro High OG Chicago fait son retour. Un graal pour beaucoup. Mais c’est bien la SBB qui marque les esprits. Pourquoi ? Parce qu’elle crée la surprise, parce qu’elle raconte une autre facette de Jordan, loin des parquets NBA. Une facette plus underground, plus confidentielle. Preuve qu’une exécution fine, couplée à une stratégie éditoriale bien pensée, peut faire de l’ombre même aux classiques.
Le succès repose sur quatre piliers solides
Derrière l’engouement autour de la Air Jordan 1 Shattered Backboard, il y a plus qu’un bon storytelling. Il y a une stratégie maîtrisée, articulée autour de quatre axes :
- Un événement réel, mais méconnu : pas de glorification excessive, juste un fait marquant exhumé avec intelligence.
- Un design efficace : inspiré de la Jordan 1 Black Toe, avec un twist audacieux.
- Une distribution contrôlée : quantités volontairement inférieures à la demande, créant de la frustration et donc, du désir.
- Une part d’irrationnel : ce petit quelque chose qu’on ne maîtrise pas, mais qui fait qu’une paire « prend » dans l’imaginaire collectif.
Photos : @j.kjerulff & @sneakersofberlin
Quand ça ne prend pas : le cas David Letterman
Et parce que toute tentative de récit visuel ne mène pas au succès, parlons de la Jordan 1 Retro David Letterman, sortie en 2016. Elle s’inspire d’une interview où His Airness apparaît dans une veste rouge. Le clin d’œil est intéressant. La référence, amusante. Le rendu final ? Mitigé.Le colorway convainc modérément. Le public ne s’identifie pas. Preuve que l’histoire ne suffit pas si le design ou le timing sont mal calibrés.
2025 : la Shattered Backboard revient… dans un monde différent
Dix ans après, la Air Jordan 1 Shattered Backboard revient. Mais ce n’est plus le même marché. La AJ1 reste un pilier culturel, mais sa côte a chuté. Entre 2018 et 2023, Jordan Brand a saturé les étals de centaines de colorways, plus ou moins réussis, plus ou moins pertinents. Résultat : même des modèles très attendus comme la Jordan 1 Black Toe Reimagined, sortie en 2025, ont fini… en promo. La rareté n’est plus une garantie. L’effet de surprise s’est érodé. La fatigue visuelle s’est installée. Pire : certains fans commencent à zapper les sorties, là où il y a encore cinq ans, tout s’arrachait à la minute. Alors cette Shattered Backboard 2025, aussi fidèle soit-elle à l’originale, joue une carte risquée. Elle vise à raviver la flamme. Mais le feu est moins vif. L’environnement est plus cynique, plus blasé, plus exigeant.
Photos : @joe_b_8.24 & @hlgm_12
L’héritage et l’épreuve du temps
La Air Jordan 1 Shattered Backboard reste, dix ans après sa sortie initiale, un modèle de maîtrise :
- un récit bien choisi;
- une exécution exemplaire;
un succès bâti sur la rareté et la surprise.
Mais en 2025, ce retour se heurte à une réalité plus nuancée. Jordan Brand ne peut plus compter uniquement sur ses archives ou sur le mythe de MJ. Il faut recréer l’envie, sans lasser. Raviver la mémoire, sans recycler paresseusement. Si vous l’avez manquée en 2015, cette seconde chance mérite votre attention.
Mais n’achetez pas parce qu’elle revient. Achetez-la parce qu’elle reste une des rares Jordan 1 à raconter une histoire… qui a du fond.
La Air Jordan 1 SBB ’25 sort au prix de 190€ le 12 juillet sur Snkrs : voir la paire.