Que penser de la Air Jordan 40 ?

La Air Jordan 40 vient tout juste d’atterrir, et déjà, la toile crépite d’avis tranchés comme une lame de rasoir. Certains y voient un hommage maîtrisé, d’autres une silhouette sans âme. Moi ? Je suis partagé. Je n’irai pas jusqu’à dire qu’elle me séduit, mais je ne peux ignorer la somme de travail qu’elle condense; 40 années d’archives, distillées dans une paire qui ne cherche pas à faire l’unanimité, et c’est peut-être là qu’elle frappe juste.
D’un point de vue purement formel, la Jordan 40 désarçonne. Le bloc talon, massif, évoque les courbes trapues de la AJ14. La semelle, elle, semble digérer la géométrie de la AJ18 et les arrondis félins de la AJ13. Des détails issus des Air Jordan 2, AJ4, de la AJ10 ou encore de la AJ12 parsèment la chaussure comme un jeu de piste pour sneakerheads aguerris. Le cuir nervuré façon AJ3 tranche avec les empiècements techniques du chausson intérieur. Tandis que les œillets gravés des années de gloire de MJ (1981, 1982, 1984, 1990, 1991, 1992, 1993, 1995, 1996, 1997) ajoutent un niveau de lecture que seuls les mordus repéreront. Des chiffres bleu ciel pour les années à l’université de Caroline du Nord. Là c’est du travail d’orfèvre. Elles ne sont pas là pour décorer mais remémorer. Six titres NBA, deux médailles d’or olympiques. Huit années gravées dans la mémoire du jeu.
Mais au-delà de la grille d’analyse patrimoniale, une question me taraude : à qui s’adresse vraiment cette paire ? Trop complexe pour séduire le grand public, trop hybride pour les puristes du rétro, elle flotte entre deux eaux. Et c’est précisément ici que les comparaisons pleuvent : la Air Jordan 40 rappelle l’expérimentation d’un Melo M3, la modernité d’une adidas AE1, ou même la ligne racée d’une adidas Kobe. Le hic, c’est que cette nouvelle Jordan ne semble jamais choisir son camp. Elle compile, elle cite, mais peine à incarner.
Malgré tout, je ne peux pas balayer d’un revers ce qu’elle symbolise : un héritage vivant, parfois bancal, souvent touchant. Une Air Jordan qui n’essaie plus de faire rêver, mais de faire réfléchir. Et rien que pour ça, elle mérite qu’on s’y attarde.