adidas x Clot : une collaboration sous-estimée

Parfois, les vraies révolutions avancent à pas feutrés. Elles ne claquent pas comme une alarme, elles murmurent dans le vacarme ambiant. Depuis que Edison Chen a quitté Nike, un chapitre s’est clos, mais un autre s’écrit, plus audacieux, plus libre. Avec adidas Originals, le fondateur de CLOT explore un terrain de jeu inédit. Moins contraint, plus hybride, presque anarchiste dans l’approche. Et pourtant, cette collaboration reste encore largement sous le radar. À tort.

Edison Chen, l’homme qui a quitté la soie pour l’espadrille

Il faut commencer par là : Edison Chen, l’enfant terrible de la culture street asiatique, a mis fin à une collaboration fructueuse avec Nike, marquée notamment par les mythiques Air Force 1 en soie, la 1World en 2009 ou encore la “Rose Gold Silk” en 2019. Sans oublier la très mystique Air Max 1 Clot Kiss of Death. À l’époque, il jouait surtout sur la richesse des matériaux, les symboles culturels chinois, les couches qui se déchirent pour révéler un autre monde.

Une alchimie inattendue entre deux géants de cultures différentes ? Soyons honnêtes : à première vue, CLOT et adidas n’étaient pas faits pour s’entendre. D’un côté, la rigueur industrielle et la rigueur de la performance allemande. De l’autre, le flair créatif et les racines asiatiques profondément ancrées dans la philosophie du yin-yang, portées par Edison Chen et Kevin Poon. Deux mondes à mille lieues, réunis pourtant par une ambition commune : proposer une création différente, ni trop bruyante, ni complètement muette. Une esthétique de l’entre-deux. Avec adidas Originals, c’est un nouveau langage qu’il développe. Moins ornemental, plus conceptuel. Il ne s’agit plus seulement de revisiter des icônes en y apposant des textures nobles, mais bien de redessiner les contours mêmes des silhouettes. Des mélanges inattendus, des clins d’œil à la culture méditerranéenne ou britannique, des modèles qui se situent quelque part entre la sneaker, la chaussure de ville et la sandale. Le tout sans perdre son identité. Une métaphore textile du voile entre deux mondes : l’ancien et le nouveau, l’Orient et l’Occident, l’artisanat et l’industriel.

Des modèles hybrides, sobres et terriblement singuliers

Prenons la adidas Superstar by Edison Chen, sortie début 2024. À mille lieues des broderies de soie ou des overlays brillants. Ici, Edison fusionne la Superstar OG avec l’élégance d’une chaussure brogue : perforations délicates, cuir patiné, semelle dentelée évoquant un derby contemporain. Une création qui ne joue pas sur la couleur ou l’effet visuel, mais sur la tension entre deux univers : la rue et le formel, l’urbain et le classique. Un objet presque conceptuel, mais portable, et franchement élégant.

Quelques mois plus tard, c’est au tour de la adidas Gazelle Halo Ivory, surnommée Esprazelle, de faire surface. Sortie durant l’été, cette paire transforme la silhouette rétro allemande en icône balnéaire. Tige en toile beige, semelle inspirée de l’espadrille, lignes douces : c’est une sneaker qui sent le sable chaud, le farniente et la décontraction estivale. Une œuvre de subtilité qui transforme une chaussure sport en accessoire lifestyle d’un raffinement désarmant.

Et la suite ? Elle s’annonce dans la même veine. En 2025, CLOT et adidas, lancer une Stan Smith Espadrille, encore une fois dotée de cette semelle torsadée typique du sud de la France, clin d’œil inattendu aux rivages méditerranéens. Une fois de plus, Edison Chen désacralise un classique, non pas pour le choquer, mais pour l’amener ailleurs, sur un autre terrain culturel, avec une aisance rare.

Une collaboration ignorée par les radars du hype

Alors pourquoi cette série de modèles, pourtant si riche de sens, passe-t-elle largement inaperçue dans les classements des collabs les plus marquantes ? D’abord, parce qu’elle refuse les codes classiques du succès immédiat. Pas de grosses têtes d’affiche, pas de teasing à grand renfort d’images flashy, pas de storytelling simplifié pour TikTok. À l’inverse, CLOT x adidas mise sur la lenteur, la précision, l’ancrage culturel.

Avec Nike, Edison Chen brillait par la mise en valeur des textures, la symbolique chinoise et l’enveloppe sensorielle. Avec adidas, il semble avoir gagné en liberté. Il joue avec les formes, les volumes, les intersections entre genres. C’est moins un travail de styliste qu’un travail de designer d’idées.

Ce changement de posture créative est fondamental. Et le grand public n’a pas encore saisi que ce n’est plus la même approche. Pas le même Edison, pas la même marque aux 3 bandes. C’est une autre époque, une autre logique. Il ne s’agit pas de faire “la plus belle paire”, mais de poser des questions : qu’est-ce qu’une sneaker ? Jusqu’où peut-on la tordre ? Comment la faire dialoguer avec d’autres cultures de la chaussure ?

Une proposition esthétique tournée vers l’avenir

Ce qui me fascine dans cette collaboration, c’est sa capacité à éviter la redite. On pourrait penser qu’avec autant d’histoires racontées par la sneaker, tout a déjà été dit. Mais non. Edison Chen arrive encore à surprendre sans provoquer, à perturber sans scandaliser.
L’obsession du moment ? Les silhouettes hybrides. Ce qui pourrait passer pour une lubie d’esthète est en fait un acte de résistance créative. Dans un marché saturé de rétros réchauffés et de “collabs” copiées-collées, adidas x CLOT prend le contrepied. Pas pour faire l’anti-hype, mais pour inventer autre chose.
Et il y a un point que peu de gens soulèvent : la dimension artisanale de ces modèles. Le recours à des matériaux plus bruts (comme la toile de lin), la construction inspirée de chaussures traditionnelles, l’effort de cohérence visuelle… Tout ça participe à un retour à des formes de design responsable, pensé, presque méditatif. Ce n’est pas du minimalisme de façade : c’est une esthétique d’auteur.
Cette démarche n’est pas anodine. Elle fait écho à la volonté de reconnecter la sneaker à une dimension culturelle plus profonde, loin du simple accessoire de mode jetable. Chaque modèle adidas x CLOT fonctionne comme une passerelle, un pont entre les continents et les époques. Une démarche comparable, dans l’intention, à celle d’un Rei Kawakubo chez Comme des Garçons, ou d’un Yohji Yamamoto. Sauf qu’ici, le support n’est pas une robe mais une basket.

Il est temps de reconsidérer la collection adidas Clot by Edison Chen

Alors oui, on peut continuer à faire la queue pour une nouvelle Jordan 1, ou parier sur la énième New Balance signée JJJJound. Mais pendant ce temps, certains font avancer la culture sans faire de bruit. Il y a des collaborations qui font du bruit. Et puis il y a celles qui font du sens. La ligne adidas x CLOT se range clairement dans la seconde catégorie. Pas besoin de bots pour les acheter, ni de photos à rallonge pour les comprendre. Elles parlent à l’œil, au goût, à la mémoire.

Ce que je vois ici, c’est la naissance d’un nouveau langage sneaker, une grammaire plus mature, moins tournée vers la performance ou le logo, plus ancrée dans la rencontre des cultures et des pratiques. Et si elle est encore sous-estimée aujourd’hui, c’est justement parce qu’elle s’adresse à ceux qui prennent le temps de regarder.

La hype court. CLOT x adidas marche, doucement, sûrement. Et parfois, c’est ceux qui marchent qui finissent par aller plus loin.

Clot x adidas Superstar by Edison Chen White Black @carydef