Qui est Bruce Kilgore, l’inventeur de la Nike Air Force 1 ?

Tinker Hatfield n’est jamais avare d’interviews. Steven Smith alimente régulièrement son compte Instagram. Christian Tresser un peu moins souvent. Et Bruce Kilgore, le créateur de la Nike Air Force 1 ? Les réseaux sociaux ne sont guère sa tasse de thé. Sa personnalité tranche avec celles des ses confrères. Un mystère entoure l’homme qui est entré dans l’histoire en 1982. On sait très peu de chose à son sujet. Darren Rovell a eu la chance de l’interviewer. « Timidité » et « humilité » sont les 2 termes le caractérisant le mieux selon le journaliste de CNBC. La modestie n’est pas ce qui étouffe Jay-Z. Le mari de Beyonce affirme qu’aucune personne ne pourrait lui faire mordre la poussière dans un Verzuz. Peu de concepteurs de sneakers prendraient le risque d’affronter Bruce Kilgore. Chris Severn pourrait relever le challenge. Un Air Force 1 vs Adidas Superstar, ça serait un choc des titans. Les goûts et les couleurs ne se discutent pas. Par contre, les chiffres sont implacables. La Air Force One est la basket la plus vendue de tous les temps. Ce match n’aura jamais lieu compte tenu de la discrétion de celui qui à l’origine aspire à devenir sculpteur de métal. Sous les conseils d’un de ses enseignants, il se réoriente vers le design industriel. En 1975, Kilgore entre dans l’université de Bridgeport dans le Connecticut. Une fois diplômé, direction Sundberg-Ferar. L’ingénieur travaille sur la stylique d’appareils pour Whirpool et Sears. A Détroit, il bifurque vers l’industrie automobile en réalisant le design d’équipements d’automation. Cette expérience aura son importance pour la suite. A la fin des années 70, Kilgore reçoit l’appel d’un chasseur de tête. Blue Ribbon Sports fraîchement rebaptisé Nike est en quête d’un designer. Plutôt sceptique au départ, un modèle le convainc de rejoindre l’aventure initiée par Bill Bowerman et Phil Knight. L’essai d’une Nike Air Tailwind 79 (« une expérience de running unique » selon ses dires) change la donne. Il tombe sous le charme de cette chaussure de course inaugurant la technologie mis au point par Frank Rudy. Une signe du destin ? Assurément puis qu’il est le papa de la première sneaker de basketball à s’en servir. Tout le monde le présente comme le père de la AF1. Humble, Kilgore perçoit l’histoire de manière différente. Tirer la couverture de son côté ? Ce n’est pas le genre de la maison. Elle est avant tout le fruit d’un travail d’équipe. Des podologues, des ingénieurs en aérospatiale et des biomécaniciens, l’entourent. En chef d’orchestre, il synthétise les idées des uns et des autres. La Nike Air Approach Mid, une chaussure de randonnée portant la signature de Trip Allen, l’aide à peaufiner le côté esthétique.
Le reste de sa carrière est un peu moins couronné de succès. Qu’importe, Kilgore n’a déjà plus rien n’à prouver. Avec 39 éditions, la Nike Air Pegasus peut se vanter d’avoir une longévité extraordinaire. La première de la série, la Air Wedge Trainer (1983), porte sa signature (et celle de Mark Parker aussi).  Visionnaire, il crée la Nike Air Sock Racer (1985), une sneaker minimaliste et légère. L’impact du modèle à base de stretch faisant penser à une chaussette est énorme. La running est ni plus ni moins l’ancêtre des Nike Air Presto, Nike Free et Sock Dart. Et même davantage de sneakers en prenant en compte son concept. Idem pour la Air Flow (1989), une paire dont la toe box évoque un bec de canard. Sans elle, Tinker Hatfield aurait-il pu inventer la Huarache ?
Même les plus grands essuient des échecs. On en dénombre 2 bien que Kilgore ait des circonstances atténuantes. Le premier est la Nike Air Pressure (1989). La basket a le malheur d’arriver en même temps que la Reebok Pump Bringback. Peu de modèles auraient pu lui tenir la dragée haute. La Nike Shox lui laisse un goût amer. Dès 1984, il travaille sur un projet ambitieux qui aboutit à la conception d’un système d’amorti reposant sur des ressorts. La marque au Swoosh préfère se focaliser sur la technologie Nike Air et ne la sort que 16 ans plus tard. Kilgore évoque le sujet avec amertume. Voilà comment tuer un projet dans l’oeuf ! Pour lui, Nike ne se donne pas les moyens d’exploiter le potentiel du modèle qui émet un « boing » quand on marche.
Le temps finit toujours par rendre justice. La Air Jordan 2 traîne une sale image auprès du grand public. Nombreux sont ceux à avoir redécouvert la silhouette dont il partage la paternité avec Peter Moore grâce aux Off White. Une autre de ses créations, la Nike Air Ship, atteint la somme 1.5 million de dollars lors d’une vente aux enchères. Qui sait, peut-être qu’une nouvelle génération de Nike Shox aura la reconnaissance lui faisant cruellement défaut aujourd’hui. Ce serait un juste retour des choses.

Nike Air Force 1 High OG de 1982
Nike Air Force 1 High OG de 1982 (@airrev)
Nike Air Approach Mid OG
Vieille publicité pour la Nike Air Approach Mid (Gary Warnett)
Nike Air Pegasus 83 OG 1983
Nike Air Pegasus 83 (via Fenom)
Nike Sock Racer ad
Nike Air Sock Racer
Nike Air Ship de 1984 binhecxit
Nike Air Ship de 1984 (@binhecxit)
Air Jordan 2 OG Made in Italy de 1987
Air Jordan 2 OG Made in Italy de 1987 (@soggiu23)
Nike Air Pressure de 1989
Nike Air Pressure (@wildekd)
Prototypes de la Nike Shox
Prototypes de la Nike Shox
Nike Air Flow
Nike Air Flow (@defynewyork)

Sources : Sneakers de Rodrigo Corral, Alex French, Howie Kahn & CNBC

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