Une chaussure de marathon japonaise qui dort quinze ans dans un placard. Personne n’en veut. Trop bizarre, trop chargée, trop de… flammes. Et puis un jour, Supreme New York débarque. Le modèle explose. Les flammes qui faisaient fuir tout le monde deviennent cultes. Bienvenue dans l’histoire complètement folle de la Nike Zoom Streak Spectrum Plus. Une paire qui prouve qu’en sneakers, le flop d’hier peut accoucher du collector de demain.
Une marathonienne dessinée par un génie
Steven Smith débarque chez Nike en 1999. Vous connaissez peut-être son CV : New Balance 1500, Instapump Fury chez Reebok, rien que ça (et quelques adidas Yeezy plus tard). Le type sait dessiner une chaussure, disons. Nike Japan lui confie une mission délicate. Créer une running pour les marathoniens locaux. Pas facile quand Asics et Mizuno tiennent le marché depuis des décennies.
Smith bosse avec Toshiya Inotani. Les deux passent leurs journées à Tokyo. Boutiques vintage, magasins de hot-rods, vraiment tout. Inotani veut une chaussure japonaise dans l’âme. Smith dessine la semelle. Nike US la trouve trop basse. Inotani insiste : « Baisse encore d’un millimètre. » Un millimètre. Les développeurs deviennent fous. Mais ce millimètre change tout pour le marché nippon.
La Spectrum Plus sort en 2003. Phylon midsole, Zoom Air au talon, shank TPU. Prix : 75 dollars. Technique irréprochable. Résultat commercial : bof. Elle reste cantonnée au Japon. L’Occident n’en veut pas. Trop étrange avec ses flammes partout.
Des flammes qui viennent d’un parking américain
Parlons de ces fameuses flammes. Smith adore les hot-rods. Ces bagnoles américaines customisées des années 50-60. Chrome partout, moteurs qui rugissent, et surtout : flammes sur la carrosserie. En chinant à Tokyo, Smith et Inotani tombent sur des décalcos de feu. Le genre qu’on colle sur un capot de Chevrolet. Smith scanne tout ça. Il retravaille les flammes sur Adobe Illustrator. Gradient rouge-orange-jaune, parfait pour évoquer la vitesse. Le kanji pour « guerre » vient compléter le tableau. Sur la languette et le talon. Parce qu’un marathon, c’est une bataille. Le problème ? Personne ne comprend en 2003. Les runners veulent du sobre. Du blanc, du gris, du bleu marine. Les flammes font tache. Littéralement. La Spectrum devient une curiosité. Un ovni qui ne trouve pas son public. Les collectionneurs japonais la gardent précieusement. Les autres passent leur chemin.
Supreme rallume la flamme quinze ans plus tard
Juin 2018. Supreme sort deux coloris de la Spectrum Plus. La blanche avec flammes multicolores (AQ1279-100). Le noir total griffé flammes vertes et jaunes (AQ1279-001). Prix : 160 euros. Les stocks partent en trois minutes chrono. Timing parfait. Les dad shoes règnent cette année-là. Balenciaga Triple S, Yeezy 700, tout le monde veut du chunky. La Spectrum arrive à point nommé. Ni trop grosse, ni trop fine. Juste ce qu’il faut de bizarre. Les flammes deviennent cool. Ce qui faisait ringard devient hype.
Les prix s’envolent sur StockX. 300, 400, parfois 500 dollars selon la pointure. Les resellers se régalent. James Jebbia vient de transformer un flop en une paire recherchée. Comme quoi, le streetwear fait des miracles. Ou fait faire des bêtises, selon votre portefeuille.
Nike ajoute la sauce vaporwave
Août 2018. Nike voit le succès Supreme. L’équipe décide de sortir deux coloris maison. Sans le logo rouge et blanc mais avec encore plus de folie visuelle. La Melon Tint (AR1533-800) balance de l’orange, du pastel et du violet. La Court Purple (AR1533-500) mélange du violet et du vert poison.
Ces versions jouent la carte vaporwave. Ce mouvement internet des années 2010. Glitch art, couleurs saturées, nostalgie numérique. Les sneakerheads adorent. Les coloris sont déments. Presque trop. Mais justement, c’est ça qui marche. Plus accessible que les Supreme. Parfait pour goûter au modèle sans vendre un rein.
Les flammes reviennent en 2024
Nike n’oublie pas ses classiques. Fin 2024, la marque sort la collection Ekiden. Vaporfly 3 et Zoom Fly 6 reprennent les flammes de la Spectrum. Même dégradé, même esprit hot-rod. Histoire de célébrer le relais Hakone qui a lieu chaque janvier au Japon. Les puristes apprécient la référence. Les nouveaux découvrent l’histoire. Tout le monde est content.
Steven Smith a quitté Nike depuis. Mais son héritage continue. La Spectrum Plus ne court plus de marathons. Elle trône dans les collections. Elle fait grimper les enchères. Elle prouve qu’une chaussure performance peut devenir culte. Même quinze ans après son échec commercial.
Morale de l’histoire ? Gardez vos vieux flops. Dans quinze ans, ce sera peut-être un graal.
FAQ
La Nike Zoom Streak Spectrum Plus est-elle confortable pour courir ?
Elle a été conçue pour la course avec une semelle fine type racing flat. L’amorti Zoom Air reste léger. Les coureurs expérimentés apprécieront. Les débutants préféreront plus de confort. Aujourd’hui, elle sert surtout de modèle lifestyle.
Pourquoi les versions Supreme coûtent-elles si cher ?
Quantités limitées en juin 2018. La demande explose, l’offre reste ridicule. Résultat : 200 à 400 euros sur le marché secondaire. Les collectionneurs se battent pour chaque pointure. La magie Supreme fait le reste.
Quelle est la différence entre la Spectrum Plus et la Air Streak Ekiden ?
Même semelle Duralon, mêmes flammes. La Ekiden a une partie supérieure différente et sort avant la Spectrum. Ce sont deux branches du même arbre. La Spectrum arrive en 2003 pour affiner le concept.
Où acheter une paire aujourd’hui ?
StockX et GOAT authentifient les paires. Grailed propose des prix négociables. Méfiez-vous des fakes sur eBay. Vérifiez toujours l’authenticité avant d’acheter.
Les coloris vaporwave taillent-ils normalement ?
Oui, prenez votre pointure habituelle Nike. Le fit reste proche du pied, type racing flat. Pas de surprise niveau sizing. La chaussure épouse bien le pied sans serrer.
Photos : @juttenutte
