Elle n’a jamais été portée en match NBA par Michael Jordan. Pourtant, elle est entrée dans la légende… grâce à une sitcom : Le Prince de Bel Air. La Air Jordan 5 Grape n’a pas eu besoin de dunks ou de game winners pour devenir culte. Il lui a suffi d’un trône pivotant, d’un sourire XXL et d’un prince venu de West Philly. Retour sur l’impact culturel de cette sneaker devenue une icône pop.
Une Jordan sans Jordan, mais pas sans panache
Lorsqu’on parle d’une Air Jordan Retro, on cherche naturellement à la raccrocher à His Airness. À une finale, un poster dunk, un match à 55 points dans un Garden bouillant. Mais pour la Air Jordan 5 Grape, c’est le flou total côté parquet. Michael Jordan ne l’a jamais portée en match officiel. Zéro minute. Nada. Tout juste une apparition sur une boîte de céréales Wheaties (ce qui, soyons honnêtes, fait plus rêver un nutritionniste qu’un sneakerhead).
Et pourtant, cette paire est devenue une légende. Pourquoi ? Grâce à un autre prince. Pas celui de Chicago, mais celui de Bel-Air.
Sur l’affiche officielle, Will Smith apparaît avachi dans un fauteuil, regard caméra, short fluo, casquette retournée… et aux pieds, une paire de Air Jordan 5 Grape, portée sans lacets. Le style est planté. La sneaker entre dans la pop culture. Car oui, même si la sneaker apparaît possiblement dans quelques épisodes (sans certitude absolue sur lesquels), c’est bien cette image promotionnelle figée dans le temps qui a cimenté son statut dans l’imaginaire collectif.
@gckickzs
Un salon, une famille et une sneaker culte
Le Prince de Bel-Air (Fresh Prince en vo) n’est pas juste une sitcom familiale. C’est une immersion dans l’Amérique afro-urbaine du tournant des années 90. Et la sneaker, dans cette culture, représente davantage qu’un accessoire. Il s’agit d’ une extension du style, de l’attitude, de la personnalité.
Dans ce décor chic et rangé qu’est la maison de Bel-Air, Will Smith détonne. Face à l’élégance rigide d’Oncle Phil, au raffinement de Tante Vivian, à l’arrogance preppy de Carlton Banks, à la servilité pince-sans-rire de Geoffrey le majordome, ou aux arrivées tonitruantes de DJ Jazzy Jeff, c’est lui, le pôle magnétique. Et ses sneakers participent pleinement à ce contraste visuel et culturel.
@duaneshootstoys
Sans lacets, sans règles
Le détail que tous les fans de sneakers retiennent : la Jordan 5 Grape est portée sans lacets. Ce n’est pas un oubli de styliste, c’est un geste. Une affirmation. Dans une époque où les sneakers étaient pensées pour le sport, Will Smith les transforme en objet de style décontracté. La série vient à peine de commencer que l’acteur impose son look : spontané, funky, nonchalant mais jamais négligé. Et cette façon de porter AJ5, sans lacets, devient une signature aussi marquante que son rire ou ses vannes contre Carlton.
Ce port sans lacets, devenu mythique, sera même repris littéralement en 2018 par Jordan Brand, dans une version « Fresh Prince » de la Grape 5, sans œillets fonctionnels. Comme si la marque validait officiellement un détournement initié presque 30 ans plus tôt.
Quand une basket passée à la télé devient mythe culturel
Et ce n’est pas un hasard si, Jordan Brand a décidé de capitaliser sur ce lien. En plus de la Grape, la série a inspiré plusieurs releases :
- Air Jordan 5 Bel-Air (2013) : colorway ultra flashy, inspiré de la série.
- Air Jordan 5 Alternate Bel-Air (2020) : version revisitée plus sobre.
- Air Jordan 5 Fresh Prince (2018) : pour les 50 ans de Will Smith, la marque au Jumpman pousse le clin d’œil plus loin en sortant une Jordan 5 Grape “Fresh Prince”… sans lacets. Comme si la boucle était bouclée. Alors oui, certains ont tiqué sur l’esthétique un peu brute. Mais à ce stade, peu importe : c’est une sneaker conceptuelle, une capsule de nostalgie. C’est l’hommage ultime à un moment de télé devenu moment de culture.
Ces modèles ne sont pas des hommages forcés. Ils viennent sceller une vérité : Will Smith a donné à la Jordan 5 une place que Jordan lui-même n’avait pas prévue. Vous pouvez m’insulter, j’ai les os en adamantium.
Il y a un précédent à ce genre de sacre : la Nike Cortez OG White Red dans Forrest Gump. En quelques plans de course effrénée, elle est devenue la « Nike Cortez Forrest Gump » dans le langage courant. La Grape, elle, a connu un parcours similaire mais inversé. Pas de grand discours, pas de ralenti dramatique, juste une vibe, une attitude.
@fcsnkrs
Quand une sitcom popularise une sneaker
Ce qui est fascinant avec Le Prince de Bel-Air, c’est que la série n’a jamais eu la prétention de faire de la mode. Et pourtant, épisode après épisode, elle a offert une vitrine inédite à la culture street des années 90. Nike Air Quantum Force, Huarache, Solo Flight, Air Jordan 11 Columbia… Will Smith faisait littéralement un défilé dans son salon. Mais la Grape, elle, est différente. Elle n’est pas simplement une Jordan parmi d’autres. Le phénomène a une dimension inexplicable. Sa silhouette et son coloris détonnent. Elle devient une sorte d’uniforme officieux du Fresh Prince, au même titre que ses blagues sur l’oncle Phil, ses passes d’armes avec Carlton, ou ses looks bariolés à faire pâlir un styliste MTV. Will Smith a pourtant porté d’autres Jordan 5 OG dans la série : la Black Metallic, la Fire Red, toutes deux liées à des performances historiques de MJ. Mais aucune n’a imprimé la rétine comme la Grape.
Là où Michael Jordan figeait la AJ5 dans l’histoire du sport, en la sanctuarisant sur le parquet, Will Smith l’a catapultée dans la culture pop, en la transformant en icône de style télévisé. Il n’a pas marqué 50 points avec. Il s’est contenté de s’asseoir dans un fauteuil, de sourire à la caméra, et de la porter comme un trône portatif. Le terrain change, mais l’impact reste.
En résumé : une sneaker, une série, une légende
La Air Jordan 5 Grape est l’histoire d’une paire qui aurait pu être oubliée. Mais grâce à un jeune prince de télé, elle est devenue une légende. Un simple visuel a suffi pour que cette paire devienne plus qu’un objet : un symbole.
Un symbole de style, de liberté, de rupture avec les codes. Un clin d’œil à une époque où la culture afro-américaine s’imposait dans le paysage mainstream non plus comme un invité, mais comme un hôte. Et si elle est devenue légendaire, c’est parce qu’un jour, un gamin de West Philly l’a enfilée sans lacets, s’est assis dans un fauteuil rotatif, et a regardé l’Amérique droit dans les yeux. Et si le monde se divise entre ceux qui disent « Grape » et ceux qui disent « Fresh Prince », avouons-le franchement : Will Smith qui a gagné le match.
@francasmar84sneakers