La Balenciaga Triple S : comment la chunky sneaker est-elle devenue la reine des ugly shoes ?

Vous avez essayé de la fuir pourtant elle revient à chaque fois sur votre fil Instagram : la Balenciaga Triple S. Un nom bien choisi aux yeux d’une majorité de sneakerheads pour qui le S signifie Satan (Triple 6). Pour eux, il s’agit de la paire du diable qui mériterait de retourner d’où elle vient c’est à dire du fin fond des enfers. Au risque de les décevoir, ça ne sera pas pour maintenant. La Balenciaga Triple S est la figure de proue d’une tendance qui va durer encore plusieurs mois, celle de la chunky sneaker. Il en existe plein d’autres : Christian Louboutin Aurelien, Gucci Rhyton Printed Leather, McQueen Oversized, Raf Simons x Adidas Ozweego, Eytys Angel…. Force est de constater qu’une partie du public a jeté son dévolu sur le modèle de la marque appartenant au groupe Kering. La dad shoe de Balenciaga lancé pour la saison automne hiver 2017 connaît un succès fulgurant. Faites un tour sur les sites comme Farfetch qui vendent des sneakers de luxe. Que vous voyez-vous ? Des Triple Sole en rupture de stock. Des explications rationnelles peuvent-elles être avancées pour expliquer le phénomène ? Le premier élément de réponse vient de l’attrait actuel pour la ugly shoe. Ce qui relevait autrefois de la faute de goût ne l’est plus aujourd’hui. « On est dans une coexistence du beau et du laid qui rend le jugement esthétique plus compliqué. La ligne qui sépare le bon et le mauvais goût est devenue étroite. On parle même de good bad taste », souligne la sociologue Emilie Coutant. Nous sommes face à un mouvement sociétal qui n’épargne pas l’univers de la basket.
Une corrélation existe entre le succès de la Balenciaga Triple S et celui d’une Nike Air Monarch, la reine des dad shoes. Pas grand chose ne semble relier le best seller de Nike vendu à 55 euros et la sneaker de luxe qui coûte 850€. La paire qui cible le bon père de famille partant faire ses courses le samedi (en short ou en denim), a conquis un public bien plus large. Elle a un côté « je m’en foutiste » qui permet à son possesseur d’affirmer une forme de refus du diktat de la tendance dominante (celle des baskets à l’allure racée). Son design est complément banal. Elle relègue l’esthétique au second plan ce qui accroît son charme. La Monarch et la Triple S sont des belles moches ou des moches belles…
Autre élément qui joue en faveur de la basket à plateforme est le timing de sa sortie. Nous sommes dans une séquence revival où les énormes pompes des années 90 reviennent sur le devant de la scène. Big is beautiful. Nike a ressorti sa Air More Uptempo. Fila surfe sur la tendance avec sa Disruptor. Le retour de Buffalo est tout sauf un hasard. Les Puma Creeper démontrent à quel point Rihanna a bien capté la hype du moment. La Balenciaga Triple S est un mélange de tout cela : grosse semelle punk, un style basketball et de running rétro, semelle d’usure de chaussure de course, lacets outdoor.
Le design ne suffit pas. Encore faut-il la rendre désirable. Pour pousser sa paire, Balenciaga a recours à un marketing bien ficelé. La production est volontairement sous évaluée pour créer une pénurie artificielle. Ce puissant levier permet de faire de chaque sortie un événement. Déjà en rupture de stock ? Ce n’est pas grave. Le fans seront encore plus à l’affût la fois prochaine. J’ai gardé le meilleur pour la fin : les « fameux influenceurs » (qui ne sont plus forcément des stars). Les réseaux sociaux produisent un effet démultiplicateur. Les partages sur Instagram créent un effet boule de neige. Un instagrammeur qui partage ses photos à ses milliers de followers , ça pèse. Pour ce qui est des stars, la Triple S a été adoptée par Bella Hadid, James Harden, Pharrell Williams, Joey Badass, Offset, Rihanna, Rita Ora…. Je vous laisse imaginer les retombées des articles rédigés par la presse traditionnelle et les blogs.
La hype a une dimension impitoyable. Lorsqu’elle démarre, on sait qu’il s’agit déjà du début de la fin. La Balenciaga Triple S ne semble pas être un feu de paille. La ugly shoe a encore de beaux jours devant elle. D’un autre côté, nous vivons à une époque où les choses vont très vite. Les fans sont des zappeurs. Tôt ou tard, la Triple S sera chassée par l’émergence d’une autre tendance. On brûle rapidement ce que l’on a adoré. La majorité des sneakerheads ne va la pleurer car pour eux, sa place est sur un bûcher.

Sources : Highsnobiety, Footwear News, Atlantico, Hypebeast & Business Insider

Photo de la couverture : @nnnoodle

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6 commentaires

  1. Felicitations pour l’article j’aurais pas pu trouver autant d’elements interessants sur ces ugly shoes moi même.
    Je suis à la mode avec mes enormes machins les air max 2016 haha. Elles sont bien massives. Et je mets un survet bien ugly un survet adidas de 2004. Je porte ça le weekend ou la nuit je te rassure.

  2. J ai beau être plus tres jeune
    Je fais pas mes courses avec ce style de pompes..et puis les mecs de plus de 40 ont tendance à mettre des pompes genres chaussures de ville ou petites baskets estivales…nan ce genre de pompe c est pour des ptits branleurs qui s’inspirent de rien ,si ce n est las p etre d une paire de gothique ,suivent la hype quitte à avoir l air con

  3. Article super intéressant, j’ai appris tout un lexique aujourd’hui, pourtant j’avais déjà essayé de me renseigner. J’y vois aussi un vieux délire « fantasme du pauvre » comme les normcores qui se mettent désespérément aux 97 ou Requins.

  4. J’ai clairement la conviction que ces marques « hype » proposent volontairement les trucs les plus infects juste histoire de voir jusqu’où les blaireaux sont prêt à aller pour porter leurs produits.

    « Attends, c’est vraiment hideux, on ne va jamais réussir à les vendre, les gens ne sont quand même pas débiles.
    _ Hum, t’as raison. Rajoute des couleurs dégueulasses et on va les afficher à 800€.
    _ Validé!! »

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