437 500 dollars. Non, il ne s’agit pas de la cote des Jacquemus. C’est le prix qu’un collectionneur a lâché chez Sotheby’s en 2019 pour une paire de Nike Moon Shoe. De quoi s’offrir une belle berline allemande ou un studio parisien. Sauf qu’ici, on parle d’une basket bricolée dans un garage de l’Oregon, née d’un gaufrier détourné et d’une sacrée dose de débrouille. 3 histoires méconnues vous rappellent que ce prototype mythique signé Bill Bowerman était d’abord une expérimentation artisanale, bien loin de l’objet de luxe qu’il est devenu.
1. Des ciseaux, de la colle et beaucoup d’espoir
La fameuse semelle « waffle » ? Celle qui fait saliver les collectionneurs du monde entier ? En 1972, elle se composait de deux morceaux collés à la main. Nike ne possédait pas encore les machines pour mouler une seule pièce. Alors les techniciens bidouillaient. Ils découpaient, ajustaient, collaient en croisant les doigts. Sur certains exemplaires qui ont survécu, on voit encore les marques de cisailles. Pas vraiment le fini léché d’une paire sortie d’usine. Mais justement. Cette imperfection raconte tout : la Moon Shoe n’était pas un produit fini. C’était un pari. Une tentative. Un « et si on essayait ça ? » Bill Bowerman testait son idée de traction sur une piste de course, pas sur un PowerPoint devant des investisseurs. Et ça change tout.
2. Mark Covert, l’inconnu qui a tout lancé
Sélections olympiques américaines à Eugene. Dans le peloton, un certain Mark Covert porte une paire de Moon Shoe aux pieds. Personne ne le remarque vraiment. Il ne monte pas sur le podium. Pas de photo dans les journaux. Juste un coureur parmi d’autres. Sauf que. Ce jour-là, sans le savoir, il devient le premier athlète à franchir une ligne d’arrivée avec des Nike aux pieds. Le premier. Les archives du ShoeZeum et d’ESPN confirment ce moment fondateur. La marque autrefois appelée Blue Ribbon Sports venait d’entrer dans l’arène de la performance. Par la petite porte, certes. Mais avec des chaussures qui fonctionnaient. Et c’était déjà énorme pour une marque qui tâtonnait encore entre deux commandes de caoutchouc.
3. Le gaufrier de Bowerman, entre légende et réalité
Vous connaissez l’histoire du gaufrier. Bill Bowerman qui chauffe du caoutchouc dans la cuisine, sa femme qui râle, les premiers tests de semelle. Un mythe fondateur raconté mille fois. Ce qu’on sait moins : Jordan Geller, collectionneur et fondateur du ShoeZeum, a réuni une collection d’objets de cette époque. Des prototypes. Des ustensiles. Des témoignages d’un temps où l’innovation se pratiquait avec ce qu’on avait sous la main. Nike conserve également des pièces dans ses archives. Alors oui, le gaufrier existe quelque part. Pas dans un musée high-tech avec éclairage tamisé. Plutôt dans une collection, comme une preuve tangible qu’avant les laboratoires et les budgets R&D, il y avait surtout un type obsédé par la traction, prêt à sacrifier un appareil de cuisine.
Quand la sneaker rimaient avec bricolage
Ces 3 récits replacent la Moon Shoe là où elle devrait toujours rester : entre le garage et le génie. Avant les usines automatisées et les collabs à 300 balles, il y avait un cofondateur têtu, quelques coureurs prêts à tester l’improbable, et beaucoup d’incertitude.
La Moon Shoe ne raconte pas l’histoire d’un succès immédiat. Elle parle d’essais, d’erreurs, de semelles qui se décollaient peut-être après trois kilomètres. D’une époque où Nike ne savait même pas s’il y aurait une année suivante. Et si elle vaut aujourd’hui le prix d’une voiture de sport, c’est peut-être parce qu’elle conserve cette fragilité initiale. Cette trace d’un temps où rien n’était écrit d’avance. Où chaque paire ressemblait à un coup de poker.
Les collectionneurs ne s’y trompent pas. Ils ne paient pas pour une simple chaussure de course vintage. Ils achètent un morceau d’histoire maladroit, imparfait, humain. Et franchement, après avoir vu tellement de rééditions aseptisées, ça fait du bien de se rappeler que tout a commencé avec des coups de ciseaux et un gaufrier cabossé.
- Modèle : Nike Moon Shoe
- Date de sortie : 1972 (prototype)
- SKU : N/A (pièce unique fabriquée à la main)
- Coloris : variable selon les exemplaires
- Prix d’origine : non commercialisée
- Où acheter : uniquement aux enchères
Photos : Nike Moon Shoe x Jacquemus SP Alabaster Pale Yellow via @juttenutte
FAQ
Combien de paires de Nike Moon Shoe ont été produites ?
Environ 12 paires fabriquées à la main en 1972. Seules quelques-unes existent encore aujourd’hui, ce qui explique pourquoi les collectionneurs sont prêts à dépenser autant pour en posséder une.
Pourquoi la Nike Moon Shoe porte-t-elle ce nom ?
La semelle « waffle » évoquait les empreintes des astronautes sur la Lune lors des missions Apollo. Bill Bowerman cherchait une adhérence maximale sur les pistes de course. Le rapprochement était tentant.
Où peut-on voir une Nike Moon Shoe aujourd’hui ?
Jordan Geller, collectionneur et fondateur du ShoeZeum, possède un exemplaire dans sa collection. Nike conserve également des prototypes dans ses archives, dont des ustensiles utilisés par Bill Bowerman.
Quelle différence entre Moon Shoe et Waffle Trainer ?
La Moon Shoe est le prototype original de 1972, fabriqué à la main. La Waffle Trainer, sortie en 1974, est sa version commerciale produite en série avec une semelle moulée. L’une était un test, l’autre un produit fini.
Combien vaut une Nike Moon Shoe ?
La dernière vente documentée remonte à 2019 avec un prix de 437 500 dollars chez Sotheby’s. Aucune autre transaction publique n’a eu lieu depuis. Autant dire qu’il faudra vider plusieurs comptes en banque.