Si quelqu’un m’avait dit, il y a une dizaine d’années, que la chaussure qui allait bousculer à la fois l’univers du running et le sneaker game sortirait des labos d’adidas, j’aurais sans doute haussé les épaules. Et pourtant, en 2025, on célèbre les dix ans d’un modèle qui a redéfini ce que signifie vraiment « marcher avec confort » : la adidas UltraBoost 1.0. J’ai suivi l’histoire de cette paire quasiment depuis le jour zéro. Et croyez-moi, dans un monde où les sneakers naissent et meurent à la vitesse d’un drop sur Confirmed, peu de modèles peuvent se targuer d’un parcours aussi dense. De la performance pure à l’icône de style, en passant par la hype incontrôlable, la adidas UltraBoost a tout connu. Même sa lente éclipse, qu’on observe depuis quelques années, fait partie intégrante de sa légende.
Tout commence avec… des billes blanches
Avant même de parler de la chaussure, il faut revenir à l’étincelle. En 2007, chez BASF (oui, les mêmes qui faisaient des cassettes audio, ça ne nous rajeunit pas), des chercheurs mettent au point un nouveau matériau aux propriétés étonnantes : des billes d’énergie capables de restituer un maximum de rebond. En gros, un amorti qui te renvoie l’impulsion à chaque pas. Révolutionnaire, sur le papier.
Ce qui est fou, c’est que Nike a aurait été approché en premier. Refus poli. Trop innovant ? Trop risqué ? Allez savoir. C’est finalement adidas qui flaire le bon filon. Le nom « Boost » est choisi, les droits sont acquis, et la marque aux trois bandes tient peut-être sa carte maîtresse.
C’est en 2013 qu’on découvre pour la première fois ce fameux amorti, dans une silhouette de running baptisée Energy Boost. Le slogan est ambitieux : « Le meilleur retour d’énergie jamais conçu. » Et techniquement, c’est vrai. Sauf que la chaussure reste confinée à l’univers des coureurs sérieux. Pas encore de raz-de-marée dans la rue.
Février 2015 : le jour où tout a changé
Il y a des dates comme ça, qu’on retient sans même s’en rendre compte. Pour moi, février 2015 fait partie du top 3 des moments les plus décisifs dans l’histoire moderne de la sneaker. C’est là qu’adidas lance officiellement sa UltraBoost. Et là, on entre dans une autre dimension.
La promesse ? « La meilleure chaussure de running jamais créée. » Du pur marketing, comme d’habitude. Sauf que cette fois, ce n’est pas du vent. La UltraBoost, c’est un concentré d’innovations :
- une semelle 100 % Boost, sans compromis;
- une tige en Primeknit qui épouse littéralement le pied;
- un design racé, un peu ovni, avec sa cage plastique et son talon rigide.
Mais ce qui devait rester un coup technique se transforme en phénomène culturel en mai 2015. Kanye West, alors au sommet de sa hype, débarque aux Billboard Music Awards avec une paire d’adidas Ultraboost Triple White aux pieds. Et là, le feu d’artifice. La toile s’enflamme. Les sneakerheads s’agitent. Les paires disparaissent des étagères à une vitesse folle. La « Triple White » devient introuvable. C’est comme si le monde entier avait soudain pris conscience que cette running futuriste, c’était en fait la sneaker à avoir.
adidas UltraBoost 1.0 OG & adidas Ultraboost 1.0 Cream @snkr.marc
adidas Ultraboost 1.0 Triple @yu_ta_kicks
L’âge d’or : 2015–2017
Pendant deux, trois ans, la adidas UltraBoost est partout. Et surtout, elle est désirable. Porter une UltraBoost, c’était envoyer un signal. Un mélange de performance, de style, de connaissance. Une vibe à part. Le confort ? Franchement, inégalé à l’époque. Mettre le pied dans une UltraBoost pour la première fois, c’est comme marcher sur des coussins à mémoire de forme gonflés à l’hélium. T’as l’impression d’avancer sans toucher le sol. Même les plus sceptiques finissaient par l’adopter.
Autre coup de maître : la rareté. Le Boost, au départ, ne pouvait être fabriqué que dans une seule usine en Allemagne. Résultat : production limitée, hype assurée. Et adidas a parfaitement su jouer là-dessus. Les drops étaient rares, les coloris bien pensés, et les collabs… mémorables. Des paires comme les SNS « Tee Time », les Wood Wood, Solebox ou encore la fameuse Cream (que je cherche toujours en 47 2/3, avis aux collectionneurs…) ont mis le feu au marché secondaire. On voyait des UltraBoost se revendre à 500€, voire 1000€ pour certaines éditions spéciales. Une folie douce.
adidas Ultraboost 1.0 SNS Tea Time @deadeyezopened
adidas Ultraboost Uncaged Solebox @snkr_rotation
Adidas, plus cool que Nike ? Un instant, oui.
Entre 2015 et 2017, adidas fait mieux que surfer sur la vague : elle la crée. Pour la première fois depuis des lustres, la marque allemande devient plus cool que son éternel rival au Swoosh. Aux États-Unis, elle dépasse même Jordan Brand. Du jamais-vu. Le trio gagnant ? UltraBoost, NMD, Yeezy. Une ligne claire, une identité forte. Et un effet domino : toute l’industrie se met à repenser ses modèles, ses matériaux, ses silhouettes. Nike développe React, puis ZoomX. La UltraBoost les a réveillés.
Et puis… l’essoufflement. Inévitable ?
À force de vouloir capitaliser sur le succès, adidas commence à décliner la recette. UltraBoost 2.0, 3.0, 4.0… Uncaged, Laceless… Les coloris se multiplient, parfois sans queue ni tête. Trop de versions, trop vite. Et surtout, une perte de clarté dans le message.
On est passé de la paire précieuse à la paire banale. Même dans les outlets, on commençait à en croiser. Le charme s’efface. Et en 2019, coup de massue : la UltraBoost 19 débarque. Techniquement excellente, mais visuellement, elle s’éloigne de tout ce qui avait fait la force de la 1.0. Trop performantee, pas assez lifestyle.
Et puis il y a eu ce moment précis où j’ai su que le soufflé était retombé. C’était en 2020, lors de la sortie de la Parley x Adidas UltraBoost DNA Uncaged. Une paire qui, sur le papier, cochait pourtant toutes les cases : collab engagée, matériaux recyclés, esthétique épurée. Sauf que… ça n’a pas pris. Je me souviens en avoir eu une. Et le plus fou ? C’est que la version Friends & Family de 2016, une perle ultra limitée, quasiment introuvable aujourd’hui, s’échange encore à plus de 3000 euros sur StockX. Une paire cousue main, offerte à quelques personnalités, avec cette tige bleu océan profond et cette semelle Boost blanche éclatante. À l’époque, elle incarnait tout ce que la UltraBoost représentait : l’exclusivité, le design audacieux, la technologie au service du confort.
En comparaison, la release de 2020 ressemblait à une tentative désespérée de raviver la flamme. Un peu comme si adidas s’était dit : « Vous vous souvenez de cette collab incroyable ? On vous en refait une version plus accessible. » Sauf que la magie ne se reproduit pas sur commande. Résultat : pas de files d’attente, pas de razzia en ligne, pas de frénésie sur les forums. Une sortie presque anonyme.
C’est là que j’ai compris que la UltraBoost n’était plus cette sneaker-reine qu’on traquait à l’aube, prêt à tout pour l’obtenir. Elle était devenue une bonne chaussure, confortable, bien finie, mais sans étincelle.
@jack_3s
2025 : un souvenir confortable
Aujourd’hui, la UltraBoost reste une chaussure incroyablement agréable à porter. Mais plus personne ne la guette fébrilement à chaque nouveau drop. Elle est là, discrète, presque en retrait. Pire : elle semble parfois ringarde à côté des adidas Samba, Gazelle et autres Campus qui cartonnent à nouveau. Le Trefoil a tenté quelques rééditions de coloris cultes, une « OG » de temps en temps, mais l’effet nostalgie ne suffit plus à créer l’envie. Le marché a tourné la page.
Et pourtant… quelle paire peut prétendre avoir autant influencé son époque dans l’histoire de la sneaker ? En dix ans, la adidas UltraBoost a tout bouleversé : notre idée du confort, le rapport entre sport et style, et même l’image d’une marque que beaucoup pensaient incapable de rivaliser avec Nike sur le terrain de la hype.
La révolution silencieuse
La adidas UltraBoost, c’est un peu comme un groupe culte dont on n’écoute plus les morceaux en boucle, mais dont on sait qu’ils ont changé la musique. Elle n’a peut-être pas tenu la durée comme la Jordan 1 ou la Air Max 1, mais elle a fait trembler l’industrie, ne serait-ce qu’un instant.
Dans un monde de sneakers où tout va très (trop) vite, elle a prouvé qu’une vraie innovation pouvait captiver à la fois les coureurs et les passionnés de mode. Et ça, ce n’est pas rien.
Aujourd’hui, je regarde mes paires d’UltraBoost avec tendresse. Ce sont des souvenirs à enfiler. Des moments d’euphorie encapsulés dans une semelle blanche. Et je me demande : quelle sera la prochaine révolution ? Peut-être déjà là, quelque part, dans l’ombre. Et vous, votre première UltraBoost, vous vous en souvenez ?
Source : Aftermath
Photo de la couverture : @anson1019